« C'est extraordinaire pour le village »

Originaire d'Ohlungen, où ses parents résident toujours, Daniel Zehringer a débuté le football dans le club du village, qui alignait pour l'occasion ses toutes premières équipes de jeunes : « C'était le temps du foot à sept, des scores fleuve, de l'insouciance ». Il y passe tous les échelons, jusqu'en équipe de France minimes, avant que forcément le gros club de la région ne frappe à la porte. Surclassé en équipe réserve dès sa deuxième année cadets, il fait alors partie des nombreux espoirs du tout jeune centre de formation strasbourgeois dirigé par Raymond Hild et encadré par Arsène Wenger. Le jeune d'Ohlungen dispute notamment la finale de la coupe d'Alsace 1980 en tant qu'appelé de dernière minute pour remplacer Rémy Gentes, qui vient de signer pro. Face au FC Mulhouse, les stagiaires du Racing - où l'on retrouve Jacques Glassmann, Serge Jenner ou Rémy Vogel - s'imposent 4-1 avec un quatrième but signé Daniel Zehringer.

Durant l'automne 1980, le club traverse une zone de turbulence avec le départ de Gilbert Gress. Max Hild prend les rênes et injecte très vite du sang neuf, au gré des méformes et des blessures. « A l'époque, j'étais au lycée, en Terminale. Le soir nous mangions à la Canardière. C'est là que le téléphone a sonné. L'ami qui a décroché m'a dit : "C'est Arsène qui t'appelle, pour jouer avec les pros". J'ai d'abord cru à une blague car c'était bientôt mon anniversaire, et je n'ai pas voulu aller jusqu'au téléphone. Mais au final, je me suis bien retrouvé au vert avec l'équipe, à l'hôtel PLM près du pont de l'Europe ». Daniel Zehringer va en effet débuter en D1 avec le Racing à tout juste 17 ans, contre Lyon. En face de lui, il retrouve un autre débutant, encore plus jeune. Un certain Laurent Fournier. « Je suis entré à la mi-temps, je me souviens qu'il y avait Pascal Greiner à côté de moi sur le banc. C'est d'ailleurs le seul joueur de l'époque avec lequel j'ai gardé des contacts car il vit aujourd'hui du côté de Fontainebleau ». Au final, une victoire 2-1 du Racing sur les Gones pour ce qui reste le seul match de Daniel Zehringer dans l'élite.

« Je suis resté au Racing encore quatre ans et j'ai passé tous les échelons, aspirant puis stagiaire. En fin de troisième année stagiaire, le club ne m'a pas proposé de contrat pro. J'ai contacté Roger Lemerre avec qui j'avais bien accroché lors de son passage à Strasbourg. Il revenait alors de Tunisie et s'apprêtait à reprendre le Red Star, en D2. Quand ça s'est fait, j'ai signé là bas ». Il y passe une saison plutôt bien remplie mais l'équipe échappe de peu à la relégation et Zehringer quitte le club en même temps que son ancien entraîneur à Strasbourg. Il évolue la saison suivante à Châtellerault , avec une montée en D2 au bout, puis envisage très vite la suite. « J'ai passé tous les concours de la fonction publique. Aujourd'hui je ne me plains pas car le fait de ne pas avoir évolué longtemps au haut niveau m'a peut-être permis de mieux réussir ma reconversion que d'autres. Je suis aujourd'hui directeur jeunesse, sports et loisirs à la mairie de Melun, où j'ai 117 agents sous ma responsabilité ». Solidement établi en Ile de France, il a également entraîné pendant une dizaine d'années (1999-2008) le club de Moissy-Cramayel (aujourd'hui Sénart-Moissy), avec notamment à la clé un titre de champion de CFA2, en 2002.

Aujourd'hui retiré du monde de la compétition, qui devenait de plus en plus difficile à concilier avec son agenda professionnel, Daniel Zehringer ne manquera cependant certainement pas de consulter le résultat du match très particulier de dimanche. « Ca aurait été inenvisageable à l'époque, le Racing était un gros club, en Ligue 1, et il aurait fallu passer bien des tours pour les rencontrer, même en coupe. Mais aujourd'hui le Racing est descendu et je crois qu'Ohlungen tourne bien. C'est extraordinaire pour le village ». Ainsi vont les aléas de la vie et du football, qui font que le débutant de novembre 1980 au bord du terrain municipal d'Ohlungen ce dimanche ne sera pas Daniel Zehringer, mais plutôt son jeune adversaire au milieu de terrain, devenu entraîneur du Racing.